Chronique 212 | Violences conjugales : comment rendre justice ?

Cette Chronique d’automne emboîte le pas au procès fictif que la Ligue des droits humains organise chaque année, dans le cadre du Festival des Libertés. On y pose la question délicate des violences conjugales et son corollaire : comment rendre justice aux femmes victimes de ces violences systémiques ? 

Dans ce numéro, la Chronique donne la parole aux femmes victimes de violences conjugales, elle s’intéresse aux écueils de la justice pénale, au mouvement abolitionniste, elle questionne la possibilité réelle de se passer du système actuel, elle tente aussi de différencier justice réparatrice et justice transformatrice. Enfin, elle offre le témoignage d’un parcours de justice restaurative. 

 

1 – Après les coups, se relever pour défendre la vérité 
Aline Wavreille donne la parole à deux femmes victimes de violences conjugales. Victoria et Kadiatou racontent comment elles traversent leur procédure pénale : depuis les premiers contacts avec la police jusqu’aux audiences devant le tribunal. Le Centre de prévention des violences conjugales et familiales décrypte les enjeux de domination qui se perpétuent au sein de ces institutions.

2 – Le fléau de la violence conjugale : la prison, un remède efficace ?
Juliette Béghin dresse un constat critique du système pénal dans le traitement des violences conjugales. Loin d’empêcher la récidive, l’incarcération aggrave la violence plutôt que de favoriser la responsabilisation et la réinsertion. Elle ignore également les besoins des victimes. L’autrice plaide pour des approches alternatives qui prennent réellement en compte ces besoins, ceux des auteurs de violences pour les mener à un changement réel de comportement ; ainsi que l’aspect systémique des violences patriarcales.

3 – Le système pénal doit être interrompu plutôt que réparé
Margaux Coquet défend ici la thèse abolitionniste selon laquelle le système pénal est structurellement injuste, puisqu’il reproduit les rapports de domination déjà présents dans notre société. Ainsi, il renforce les inégalités de classe, de race et de genre sans réellement protéger les victimes ni prévenir les crimes. Plutôt que de chercher à le réformer, l’autrice appelle à interrompre ce système et à construire collectivement d’autres formes de justice fondées sur la réparation, la responsabilité et la justice sociale.

4 – Peut-on se passer du pénal ?
Diane Bernard propose une réflexion nuancée sur le rôle du pénal face aux violences conjugales. Elle se demande notamment si le problème est le pénal lui-même, ou bien sa mise en œuvre ? Si elle reconnaît ses limites et ses dérives, elle souligne qu’y renoncer n’est pas adéquat dans notre société actuelle. Car les alternatives au procès ont aussi leurs faiblesses : une protection parfois insuffisante des victimes ou une trop grande foi dans le pouvoir de la parole comme outil de transformation. Et si la solution était une combinaison ?

5 – Face aux violences interpersonnelles, se réapproprier les pratiques de justice pour transformer les communautés
Emmanuelle de Buisseret Hardy s’attelle à donner une définition de la justice transformatrice. Elle y explique son objectif – celui de transformer le contexte dans lequel les violences ont émergé – comment elle fonctionne, en dehors du système pénal, avec en général, deux groupes qui vont structurer la démarche : un groupe de soutien à la victime et un groupe de responsabilisation de l’auteur.

6 – Hors des sentiers battus. Une expérience en justice restaurative.
Luce Goutelle nous raconte son expérience en justice restaurative, avec après avoir vécu des violences sexuelles. Son parcours hors dépôt de plainte l’a amené à réfléchir aux intérêts mais aussi aux limites de la justice restaurative. Que se passe t-il quand la victime, en attente de réponse, se retrouve face à des auteurs qui n’ont pas réfléchi à la question ? Un témoignage personnel qui soulève de nombreuses interrogations.