Bruxelles, le 21 novembre 2025
Le Conseil d’État vient d’annuler le règlement interdisant de mendier avec un enfant de moins de 16 ans sur le territoire de la Ville de Bruxelles. Adopté le 28 mars 2022, ce règlement prévoyait des amendes à l’encontre des familles concernées. Les associations signataires avaient saisi le Conseil d’État dans la foulée du vote pour le faire annuler. Cette décision intervient dans un contexte où en région bruxelloise, une personne sur quatre hébergée dans un logement d’urgence du Samusocial est un enfant.
Le calendrier est parfois symbolique: cet arrêt du Conseil d’État a été rendu, quelques heures avant la journée internationale des droits de l’enfant du 20 novembre. Ce règlement anti-mendicité de la Ville de Bruxelles ne respectait pas l’intérêt supérieur de l’enfant, puisqu’il prévoyait notamment un volet répressif, avec une amende administrative allant jusqu’à 350 euros pour les personnes qui mendiaient en rue avec leur enfant.
Déplacer la mendicité, dégrader les conditions de vie de ces enfants
Pour nos associations, cette mesure pénalisait une population déjà stigmatisée et elle ne permettait pas de résoudre la mendicité de ces familles. Au mieux, ce règlement risquait de déplacer la mendicité et de l’invisibiliser sans répondre aux besoins des familles. Au pire, il sanctionnait leur pauvreté. Infliger une amende à des familles déjà en situation de pauvreté n’allait qu’aggraver les conditions de vie de ces enfants.
Saisi par nos associations, le Conseil d’État a annulé le règlement contesté. Il constate qu’il existe déjà une incrimination dans le Code pénal qui réprime l’exploitation de la mendicité. Les communes ne peuvent donc s’octroyer le droit de doublement incriminer ce comportement en y ajoutant des sanctions administratives communales. Pour les comportements non visés par le Code pénal, si les communes décident de sanctionner certains actes, elles ne peuvent le faire que de manière proportionnée, en limitant clairement les lieux, les moments ou les modalités visés.
Rappelons par ailleurs que l’incrimination pénale d’exploitation de la mendicité ne vise pas les cas où un parent mendie avec son enfant. Dans ce cas de figure, ce n’est pas une réponse pénale qui s’impose, mais bien une réponse sociale. La Cour européenne des droits de l’homme a par ailleurs établi dans son arrêt Lăcătuș c. Suisse du 19 janvier 2021 que le recours à la mendicité peut être pour certaines personnes, la seule manière de préserver leur dignité.
La place d’un enfant n’est pas dans la rue
A l’heure où le sans-abrisme et le mal logement explosent en région bruxelloise, avec plus de 10.000 personnes recensées lors du dénombrement réalisé en novembre 2025, nos associations plaident pour que la ville de Bruxelles et la région bruxelloises agissent: en réinvestissant dans les hébergements d’urgence pour gérer cette situation mais aussi avec des mesures plus structurelles pour réguler le marché du logement bruxellois.
Par ailleurs, la nouvelle loi Accueil de la ministre de l’Asile et de la Migration pousse elle aussi des familles à la rue, depuis que Fedasil refuse l’hébergement aux personnes ayant reçu un statut de réfugié dans un État membre européen.
La voie de la pénalisation ne constituera jamais une réponse adéquate pour lutter contre la pauvreté. C’est contre cette dernière qu’il faut se battre, pas contre les personnes qui la subissent.
Associations signataires:
- Ligue des Droits Humains (LDH)
- Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE)
- Défense des Enfants International (DEI)
- Forum – Bruxelles contre les inégalités
- Front commun SDF
- ATD Quart Monde