Le vote de la réforme des allocations du chômage est une attaque sans précédent contre la sécurité sociale belge

Bruxelles, le 18 juillet 2025

 

Ce jeudi 17 juillet, le Parlement fédéral a voté la réforme qui aura pour conséquence l’exclusion du chômage de plus de 180.000 personnes d’ici le 1er juillet 2027. Cette réforme est une attaque sans précédent contre la sécurité sociale, elle aura un impact majeur sur les personnes concernées mais aussi sur les structures d’accompagnement à l’emploi et les CPAS. La majorité a poussé cette réforme en refusant de rencontrer et d’auditionner expert·es et associations de terrain.

C’était le ciment de l’accord Arizona, la mesure-phare du nouveau gouvernement fédéral : limiter à maximum deux ans les allocations de chômage. L’objectif affiché ? Exclure du chômage pour booster le taux d’emploi. Dans les faits, la réforme votée dans la nuit de jeudi à vendredi fera surtout bondir le taux de pauvreté, principalement en Wallonie et à Bruxelles.

Au moins 180.000 exclu·es du chômage

Plus de 180.000 personnes sont concernées par cette réforme qui bouleverse les principes de base de l’assurance chômage de manière inédite. À partir du 1er janvier 2026, par vagues, ces personnes vont donc être exclues du chômage. Cela signifie qu’une partie d’entre elles va émarger aux CPAS et aura droit à un revenu d’intégration (RI), avec des pertes de revenus à la clef. D’autres n’y auront pas droit et disparaîtront des radars. Et qui retrouvera un emploi ?

Quels profils ?

Si l’on regarde les chiffres de plus près, les 45-65 ans constitueront près de la moitié (40 %) des futur·es exclu·es. Une fourchette d’âge à partir de laquelle il est plus difficile de retrouver un emploi. Autre dimension éloquente : près de la moitié des personnes sont peu scolarisées et un peu plus d’un tiers ne le sont que moyennement. Exclure ces publics des allocations de chômage et des institutions d’insertion socioprofessionnelle qui les accompagnent est, à tout le moins, un très mauvais calcul. Quant aux plus jeunes, iels verront leurs conditions d’accès aux allocations d’insertion, sur la base des études, durcies et leur durée sera réduite de trois à un an.

L’impact sur les CPAS et les structures d’insertion professionnelle

Les CPAS, déjà exsangues, vont être grandement impactés par cette réforme, avec l’arrivée de nouveaux publics, sans les moyens nécessaires. Selon l’économiste Philippe Defeyt, les 234 millions d’euros de compensations prévus en 2027 par le fédéral sont clairement insuffisants. Aujourd’hui déjà, dans certains CPAS, les travailleurs·euses sociaux·ales portent deux fois plus de dossiers que ce qui n’est supportable. A Bruxelles, les secrétaires généraux de l’ensemble des CPAS ont écrit aux conseils et collèges communaux des 19 communes de la capitale, aux conseils de CPAS et au gouvernement fédéral pour leur dire qu’il y a « un risque majeur » que de nombreux CPAS bruxellois ne soient pas prêts « le 1er janvier 2026 et les mois qui suivent ».

Par ailleurs, ce n’est pas le rôle des CPAS de réaliser de l’insertion socioprofessionnelle – comme Actiris, le Forem, le VDAB et les missions locales – et encore moins de pallier le système assurantiel détricoté par le gouvernement.

Une majorité qui se bouche les oreilles

Depuis plusieurs mois, le secteur associatif, les syndicats, les personnes concernées et les CPAS alertent sur les conséquences de cette réforme au travers de marches dans les communes bruxelloises ou d’évènements en Wallonie. Ils et elles ont demandé à rencontrer les ministres, les parlementaires de la majorité, ont posé des questions, et ont demandé à être auditionné·es en commission. Toutes ces demandes sont restées lettre morte. La réforme a également été votée sans que le Conseil d’État n’ait le temps de donner tous ses avis.

Résultat ? La limitation des allocations de chômage et la diminution de certains montants octroyés sont des mesures coupées des réalités de terrain, des mesures qui toucheront un public très large mais aussi des institutions de réinsertion et les CPAS. Cette réforme votée à la hussarde ne fabriquera que plus de pauvreté dans deux régions – la Wallonie et Bruxelles – qui en souffrent déjà. En Région bruxelloise, en 2023, 28 % de la population vivait sous le seuil de risque de pauvreté, contre 8 % en Flandre et 15 % en Wallonie.

 

Avis de l’IFDH : https://www.institutfederaldroitshumains.be/sites/default/files/2025-07/Avis-IFDH-Reforme-du-chomage-04-2025.pdf

Illustration de Mathilde Collobert.