Bruxelles, le 24 juin 2025
Le 26 octobre 2024, trois juristes étaient mandatées par la Ligue des droits humains pour observer l’action Code rouge au port d’Anvers, sans y prendre part. Elles ont été arrêtées illégalement par la police fédérale, menottées, détenues pendant près de 6 heures sans motif puis libérées à Leuven peu avant minuit. Soutenues par la Ligue des droits humains, elles assignent l’État belge en responsabilité devant le tribunal de première instance de Bruxelles. La LDH appelle à la reconnaissance du statut d’observateur·rices légales en Belgique, dans un contexte politique et social tendu.
Trois juristes avaient été mandatées par la Ligue des droits humains comme observatrices légales pour documenter le déroulement de l’action de désobéissance civile de Code Rouge au Port d’Anvers le 26 octobre 2024. Les observateur·trices légaux·ales (observateur·rices indépendant·es de la société civile) ne participent pas à l’action mais surveillent et rendent comptent du respect des libertés publiques, notamment dans le cadre des interventions des forces de l’ordre. Iels couvrent en toute indépendance les manifestations, évacuations de camps de migrants, élections citoyennes et autres évènements de la vie publique. Leur protection est consacrée par le droit international et européen depuis plusieurs années.
Rendre compte du respect des droits fondamentaux
Tout le long de cette action, les trois observatrices, vêtues chacune d’une chasuble jaune avec la mention “legal observer”, se sont placées à l’écart des activistes et en dehors de la zone d’action, présentant d’initiative leurs cartes d’identité aux forces de l’ordre et leur faisant part de leur mission. Celle-ci consistait à prendre des photos, des vidéos et des notes pour rendre compte du respect des droits fondamentaux sur le lieu de l’action. Plus tard dans l’après-midi, alors qu’elles n’avaient commis aucune infraction, elles ont été arrêtées par la police. En tout, 270 personnes ont été interpellées dans le cadre de cette action Code Rouge, dont deux journalistes et sept avocat·es.
Menottage, dropping des observatrices légales et des activistes
Menottées, les observatrices légales ont été emmenées aux casernes d’Etterbeek à Bruxelles, où elles ont été détenues pendant plusieurs heures. Elles ont ensuite été libérées peu avant minuit à une trentaine de kilomètres du commissariat dans lequel elles se trouvaient. Tant leur arrestation, illégale, que leur menottage par des colsons, ainsi que la technique du “dropping” – c’est-à-dire le fait d’emmener les personnes loin du lieu de l’action comme de la détention – contreviennent aux lois en vigueur et constituent des fautes dans le chef de l’État. Le menottage des activistes qui n’opposaient aucune résistance – et le dropping de certain·es d’entre elleux posent également question.
La Ligue des droits humains et les trois observatrices légales assignent donc l’État belge en justice pour arrestation illégale et entrave à leur liberté d’informer.
Reconnaissance du rôle d’observateur·rices légaux·ales
Pour la Ligue des droits humains, ce dossier plaide en faveur de la reconnaissance d’un statut pour les observateur·rices légaux·ales en Belgique. Tant l’ONU que le Conseil de l’Europe ont souligné le rôle essentiel joué par ces observateur·rices, la Cour européenne des droits de l’homme les qualifiant de “chiens de garde social”. Le Comité des droits de l’homme rappelle quant à lui “qu’il ne peut pas leur être interdit d’exercer ces fonctions ni leur être imposé de limites à l’exercice de ces fonctions, y compris en ce qui concerne la surveillance des actions des forces de l’ordre”. Le 16 décembre 2023 déjà, lors d’une mission d’observation d’une action code rouge, le président de la LDH de l’époque avait été arrêté et détenu.
Observer pour éviter le huis clos
Dans le contexte social tendu que nous traversons, où le droit de manifester est mis sous pression comme le soulignait encore le 16 juin l’Institut fédéral des droits humains dans son dernier rapport, où les violences policières sont prégnantes et où l’extrême droite est en train de se renforcer, il paraît essentiel de reconnaître le rôle de ces observateur·rices légaux·ales, pour rapporter sous le prisme des droits fondamentaux le déroulement de ces manifestations, actions de désobéissance civile ou élections.