La Blessure

Ce film a été projeté par la LDH pour illustrer l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme :
« 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
 »

L’histoire
Blandine est blessée sur le tarmac de Roissy lors d’un retour à l’avion où un groupe d’Africains résiste à l’embarquement. Bien qu’elle soit sur le sol français, sa blessure, sa présence, son être sont niés par la police aux frontières à qui elle demande l’asile.
La France est sourde. La France n’est plus une terre d’accueil. Mais une terre butée qui expulse, blesse et humilie.
Réfugiée dans un squat aux fenêtres murées, auprès de son mari Papi qui la soigne, Moktar qui a peur de sortir dans la rue, Steve qui ne se fait plus d’illusions, Fanny et Kary qui vendent leurs corps pour pouvoir dormir sous un toit, Blandine plonge dans le silence…

Pourquoi la Ligue a choisi ce film ?
Ce qu’il y a de terrible dans cette « Blessure », c’est que nous ne sommes pas dans la fiction. A l’heure ou la liberté de circulation est devenue le moteur de la politique économique de l’Union européenne, ce qui vaut pour les marchandises et les capitaux n’est pas d’application pour certains êtres de chair et de sang. « La Blessure » décrit de manière quasi documentaire, l’accueil  (le terme est pour le moins inopportun) réservé à ces personnes qui, sur base de la convention de Genève, ne font qu’utiliser leur droit de demander que soit lancée une procédure d’asile. Droit que Nicolas Klotz présente comme dénié, les autorités (via les forces de l’ordre et de froids fonctionnaires) tentant d’expulser manu militari les demandeurs sans même leur permettre d’exercer leur droit de débuter une procédure de demande d’asile. A cette blessure intime, humiliante, s’ajoute ici la blessure physique, indice gênant d’une violence d’Etat(s) inscrite dans la chair, par delà le symbolique.

La caméra expose cliniquement le parcours de ces demandeurs d’asile. Elle envisage, à force de détails du quotidien, la situation sociale et économique scandaleuse et désespérante dans laquelle se retrouvent ces individus en transit. Leur vie est à l’image des squats dans lesquels ils vivent clandestinement : gris, sans lumière  ni vue sur le pays dans lequel ils souhaiteraient vivre dignement. Cette dignité leur est refusée et les oblige à vivre cachés, comme des parias, leur vie suspendue au résultat de leur requête et aux agissements des marchands de sommeil et aux exploiteurs de misère humaine.

Pour renforcer ce réalisme viscéralement factuel, la Blessure a fait appel, dans son casting, à des personnes ayant vécu ou vivant encore la clandestinité. Et si le « jeu » de ces acteurs n’est pas toujours « professionnel », leur expérience, leur vérité – celle de leurs propos, de leur présence, de leur être-, est visible, criante et transcende largement ce bémol cinématographique.

Sur le fonds,  la Production a enquêté et s’est documentée pendant un an et demi au sujet des demandeurs d’asile, tout d’abord en dialoguant avec les directeurs des principales organisations et associations travaillant sur cette thématique, puis en partant à la rencontre des primo-arrivants, réfugiés venus le plus souvent d’Afrique et arrivés à Roissy. La scénariste leur a posé un certain nombre de questions sur la façon dont ils ont été traités par les policiers depuis leur descente d’avion. Le scénario est moins une création qu’un liant de témoignages, vécus du dedans.

Au final, La Blessure n’est pas une litanie misérabiliste visant à l’apitoiement des spectateurs sur quelques destins individuels. Il n’est pas davantage un film de militant indigné contre les exploiteurs de la misère humaine, qui plus est, lorsque celle-ci a une couleur de peau différente. La Blessure est la simple retranscription du mode d’emploi, pièce par pièce, de cette machine à exclure qu’est devenue l’Europe.