Exportations d’armes wallonnes : suite (et non fin) de la saga judiciaire

La Cour d’appel de Liège vient de confirmer le jugement du Tribunal de première instance de Namur condamnant la Région wallonne à indemniser la Ligue des Droits Humains (LDH) en raison du préjudice qu’elle a subi dans les dossiers liés aux exportations d’armes wallonnes.

Rappel des faits
En 2009, la LDH introduisait avec succès un recours en suspension et en annulation de la décision du Ministre-Président wallon (MPW) de l’époque d’octroyer des licences d’exportation d’armes à l’Etat libyen. En effet, le MPW avait cyniquement attendu le lendemain des élections pour prendre sa décision, c’est-à-dire un moment où aucun contrôle parlementaire n’était possible, ce que le Conseil d’État avait à juste titre critiqué en suspendant les licences non encore exécutées.

Sans se démonter aucunement, le MPW adoptait un nouveau train de licences, toutes aussi illégales, afin de couvrir les licences précédemment suspendues. Avec pour conséquences, certes, que la LDH obtenait une nouvelle décision victorieuse devant le Conseil d’État  mais également que, entre-temps, les armes soient livrées à leur destinataire libyen.

Comme le Conseil d’État avait critiqué à trois reprises (une fois en suspension, deux fois en annulation) la procédure d’octroi de licences d’exportation par la Wallonie, le législateur wallon a jugé bon de réglementer la matière pour lui donner un cadre juridique plus clair. Toutefois, ce faisant, il instaura une procédure de confidentialité totale en soustrayant les licences au décret et à la loi sur la publicité des actes administratifs et en prévoyant que les décisions d’octroi de licences ne devaient être soumises à aucune obligation de motivation, contrairement à tous les autres actes administratifs.

Fort heureusement, suite à un nouveau recours en annulation de la LDH, la Cour constitutionnelle constata que ce décret constituait une entorse aux normes constitutionnelles relatives à la transparence et au contrôle démocratique des actes de l’exécutif et en annula les dispositions problématiques.

L’action civile
Face à la mauvaise foi caractérisée du gouvernement et du législateur wallons, qui ont à plusieurs reprises été avertis de l’illégalité de leurs actes préalablement à l’adoption des actes suspendus ou annulés, la LDH a demandé aux tribunaux civils de réparer le dommage causé par les fautes répétées de la Région wallonne. Après le Tribunal de première instance de Namur, c’est aujourd’hui à la Cour d’appel de Liège de faire droit aux prétentions de la LDH et de lui allouer des dommages et intérêts.

Ce qu’il est important de retenir de cette saga judiciaire, c’est que les autorités wallonnes ne semblent pas avoir appris de leurs erreurs passées, puisqu’elles ont remis le travail sur le métier en autorisant la livraison d’armes à l’Arabie Saoudite… Décisions à nouveau censurées par le Conseil d’État pour le même motif !

Or, la décision de la Cour d’appel souligne clairement, entre autres, que le fait que les licences d’exportation d’armes ne fassent pas l’objet de motivation formelle est une faute. « Errare humanum est, perseverare diabolicum » est une locution latine qui ne semble pas très populaire dans les couloirs de l’Elysette…

Cette décision judiciaire rappelle toutefois avec force que la mauvaise gestion et l’opacité qui règnent en matière de délivrance de licences d’exportation d’armes est pour le moins problématique. La LDH estime dès lors, aux côtés de la CNAPD et d’Amnesty International, que le décret wallon réglementant la matière doit être impérativement réformé. Il ne reste plus qu’à espérer que la prochaine majorité wallonne aura un peu plus de considérations pour la transparence démocratique ou, à défaut, pour les deniers du contribuable.

20 mai 2019