Enfants des demandeurs d’asile : 7 associations* attaquent une loi fiscale odieuse

Sept associations montent au créneau et intentent un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour faire annuler une loi fiscale nocive aux enfants des demandeurs d’asile. Par cette loi, qui présume que les demandeurs d’asile ne sont pas résidents fiscaux belges, le gouvernement souhaite empêcher aux familles demandeuses d’asile de bénéficier du crédit d’impôt pour enfants à charge.

Il s’agit d’une aide fiscale octroyée à tout résident fiscal belge à faibles revenus, dont le montant est de maximum 440€ par an et par enfant, ce qui couvre à peine le tiers de ses frais scolaires . Un soutien indispensable pour ces personnes qui n’ont pas le droit de travailler et qui font face durant des années à des procédures administratives lourdes. La suppression de cette aide est une honte, selon les associations.

Retour en arrière : il y a juste 6 mois, le 30 décembre 2016, une nouvelle loi fiscale a été publiée au Moniteur belge à l’initiative du Ministre NVA Johan Van Overtveldt. Son objectif : empêcher les demandeurs d’asile de bénéficier du crédit d’impôt pour enfants à charge après s’être établis en Belgique, quand ils n’ont pas de revenus professionnels. En pratique, le Ministre a introduit dans la loi la présomption que des demandeurs d’asile sans revenus professionnels ne peuvent pas être considérés comme résidents fiscaux belges et ce, dès l’exercice d’imposition 2018.

« C’est une aberration » dénonce Delphine Chabbert, porte-parole des associations. « En raison de la longueur des procédures, une partie de ces personnes auront eu le temps de développer des liens forts avec la Belgique, d’y inscrire leurs enfants à l’école, de développer des liens sociaux… Cela devrait de fait permettre de les considérer comme résidents fiscaux belges, et de les faire bénéficier alors du crédit d’impôt. » Sept associations ont donc décidé d’intenter une procédure en vue de faire annuler cette loi auprès de la Cour constitutionnelle : ATD Quart-Monde, le Ciré, DEI-Belgique, la Ligue des droits de l’homme, le Service Droit des Jeunes, UNICEF Belgique et la Ligue des familles, coordinatrice de l’action.

Trois arguments principaux fondent notre demande :
1. Dans la plupart des cas, les demandeurs d’asile ne sont de toute façon pas reconnus comme résidents. La mesure est donc inutile, elle stigmatise et précarise les demandeurs d’asile qui peuvent justifier de liens (économiques et sociaux) avec la Belgique.
2. Cette loi viole aussi les principes d’égalité et de non-discrimination car elle enlève aux demandeurs d’asile la possibilité de faire reconnaître un statut de résident fiscal belge alors que cette possibilité existe pour les autres personnes, belges et étrangères, qui ne bénéficient pas de revenus imposables suffisants. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs déjà rendu un avis en ce sens, sans pour autant en tirer les conséquences .
3. La mesure est immorale. Les demandeurs d’asile sont parmi les personnes les plus précarisées, ils font face à des procédures extrêmement longues et aux difficultés liées à l’intégration. Pire encore : cette mesure touche spécifiquement les familles avec enfants, qui, pour la plupart déjà sans aucun revenu, perdront une aide d’environ 1€ par jour et par enfant.

Comment un même gouvernement peut-il appeler les demandeurs d’asile à s’intégrer rapidement tout en compliquant toujours plus cette intégration? Même l’argument budgétaire, supposé justifier la mesure, est battu en brèche : aucun chiffre ne vient indiquer l’économie anticipée. Au contraire, le Ministre des Finances Van Overveldt a finalement reconnu lui-même que « la suppression de ce crédit d’impôt n’est pas induite par des raisons budgétaires mais constitue la mise en œuvre d’une décision de principe ».

Notre Constitution, fondée sur le principe de dignité humaine, protège chacun.e contre la discrimination et en particulier les enfants. Par ailleurs, la Belgique a également ratifié la Convention Internationale des droits de l’enfant. Cette loi fiscale bafoue ces principes. Les associations réclament le retrait de cette loi honteuse. Les demandeurs d’asile et leurs enfants l’attendent aussi. D’urgence.

*Les requérants :
La Ligue des familles est en charge de la coordination de cette action, menée avec le support d’ATD Quart Monde Belgique, du CIRE (Coordination et initiatives pour et avec les réfugiés et les étrangers), de DEI-Belgique (Défense des enfants), de la Ligue des droits de l’homme, du SDJ (Service Droit des Jeunes) et d’UNICEF Belgique.
Deux avocats sont en charge du dossier : Mr. Edoardo Traversa et Mr. Matthieu Lys.

Information complémentaire sur le crédit d’impôt pour enfants à charge
Depuis plus de quinze ans, a été mis en place un mécanisme qui vise à corriger une injustice : les avantages fiscaux pour enfant à charge ne profitaient qu’aux familles qui disposaient de revenus imposables suffisants. En Belgique, près de trois millions de personnes restent en dessous du seuil imposable. Cette correction s’est concrétisée sous la forme d’un crédit d’impôt remboursable – dont le montant est limité – pour ces familles précarisées exclues du bénéfice de la déduction. Et ce n’est que justice, même si les mesures de correction restent imparfaites.

Par la loi attaquée, le Gouvernement a donné un coup de canif à ce mécanisme de correction dont sont écartées par principe les familles avec un statut de demandeur d’asile. Et il s’agit de familles par définition déracinées, donc fragilisées. Aujourd’hui, ce sont ces familles-là, demain ce seront d’autres familles soupçonnées d’abuser d’une protection sociale à laquelle elles n’auraient pas contribué. Alors qu’au nom de la justice et plus encore de l’équité, tout enfant doit avoir la même chance quel que soit le statut de ses parents.

27 juin 2017