COVID19 et traçage : le diable est dans les détails

Suite à la lettre ouverte qui a rassemblé plus de 300 signatures issues de la société civile et au dépôt d’une ébauche de proposition de loi, déposée ce lundi 18 mai devant le parlement, la Ligue des droits humains est interpellée à la fois par des parlementaires et par l’administration au sujet de la mise en place du traçage du covid au sein de la population. Différents contacts ont eu lieu ces derniers jours en ce sens, notamment avec des représentants de l’administration. 

A l’issue de ces contacts, il convient de rappeler que notre objectif est de favoriser un débat démocratique. Nous soutenons toutes démarches vers plus de transparence, élément nécessaire pour que les citoyen·ne·s soient effectivement informé·e·s et puissent agir de manière responsable. 

Dans le cadre des débats à venir, nous rappelons et soulignons les éléments suivants : 

Le principe de légalité impose que ce soit la loi qui détermine les éléments essentiels du traitement des données (comme la finalité, les catégories de données traitées, les personnes concernées, le délai de conservation ou encore les destinataires pouvant accéder à la base de données). C’est la Cour constitutionnelle qui assure le contrôle de la proportionnalité de ces éléments fondamentaux. Dans le contexte actuel, pour des raisons de flexibilité, il est concevable que des actes d’exécution portant sur des détails puissent être délégués au gouvernement. Ces actes délégués sont alors susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat. Par contre, attribuer de telles missions d’exécution complémentaires (hormis les questions pûrement applicatives) au Comité de sécurité de l’information (CSI) n’est pas conforme aux principes généraux de droit. En effet, les délibérations de ce Comité ne peuvent faire l’objet que de contrôles hypothétiques, soit un éventuel contrôle a posteriori de l’Autorité de protection des données, soit un recours incertain – d’autant plus qu’il n’est pas explicitement prévu – au Conseil d’Etat. Nous insistons sur ce point. 

– En ce qui concerne le numéro de registre national (NISS), seules les données nécessaires pour fournir des recommandations adéquates aux personnes ayant eu des contacts à risque élevé avec des patients infectés doivent être traitées. S’il s’agit de poursuivre d’autres buts, alors cela doit être dit clairement par la loi, afin que ces finalités soient précises et explicites. En outre, il s’agit de distinguer l’accès au NISS par les services compétents à des fins de vérification des informations de contact (adresse d’une personne, par exemple) et le stockage de ce numéro unique dans la base de données. Si l’option du stockage (enregistrement) du NISS devait être retenue, il faut rappeler que celle-ci est susceptible d’entraîner un risque élevé  pour les droits et libertés des personnes concernées. Le stockage de ce numéro pourrait permettre des croisements avec d’autres bases de données sensibles. C’est d’autant plus le cas dans l’éventualité d’un couplage de la base de données Covid avec une application permettant le traçage numérique. Dans la mesure où les finalités ne sont pas bien déterminées, ce risque de couplage n’est pas théorique. Par conséquent, la nécessité d’enregistrer le NISS, donnée particulièrement sensible, doit être démontrée, le cas échéant par une analyse d’impact. En effet, si plusieurs moyens de traitement peuvent être utilisés pour atteindre la finalité, il faut en principe choisir les moyens de traitement qui sont les moins intrusifs. Le même raisonnement doit être appliqué pour justifier le traitement de données médicales autres que le résultat positif du test ou du diagnostic d’infection présumée. 

Les données doivent être effacées après un délai aussi court que possible et qui ne peut en tout cas excéder un mois. Bien entendu, à des fins de recherche, un traitement ultérieur de données anonymisées ou pseudonymisées peut être autorisé moyennant la mise en oeuvre de garanties adéquates.  

Nous demandons en outre que le Conseil d’Etat et l’Autorité de protection des données donnent un avis sur les textes de loi actuellement soumis au Parlement. Nous appelons les parlementaires à établir un cadre légal clair et déterminé pour permettre au système de suivi de la transmission de fonctionner en confiance et en transparence. Ce sont les seules conditions qui permettront l’adhésion des citoyen·ne·s au système de traçage mis en place.

19 mai 2020