A propos du handicap de grande dépendance

Handicap – 7 mars 2013 – La LDH a été particulièrement choquée par le drame de cette maman qui, ne pouvant plus assumer ses deux enfants handicapés, a commis l’irréparable. Cette tragédie rappelle de manière dramatique le manque criant de places pour les personnes lourdement handicapées en Wallonie et à Bruxelles. La LDH renouvelle son soutien actif aux associations qui réclament des autorités belges qu’elles se conforment aux engagements pris dans le cadre des accords internationaux.

Vous trouverez ci-après la recension de quelques articles publiées dans la Libre Belgique qui font le constat de cette situation intolérable.

Une mère tue ses deux enfants handicapés à Liège (4 mars 2013 – Annick Hovine – LLB)
Rita n’en pouvait plus d’endurer la douleur de sa fille et de son fils lourdement handicapés.
C’est probablement parce qu’elle n’en pouvait plus d’assumer seule sa douleur et celle de ses enfants que samedi matin, Rita (54 ans)a décidé de mettre fin à ses jours et d’emporter avec elle, ses deux grands enfants : Audrey (25 ans) et Arnaud (24 ans) rapportent nos collègues de la Dernière Heure.

Les deux enfants en question souffraient d’un handicap lourd. Ils étaient placés en semaine et revenaient vivre avec leur maman le week-end. Fatiguée depuis longtemps, Rita s’était souvent plainte du manque d’aide et du peu de solutions qu’elle trouvait pour les aider elle, sa fille et son fils. Elle parvenait de moins en moins facilement à assumer que les médecins ne puissent rien faire pour améliorer la situation de ses enfants.
Samedi, elle a donc décidé d’en finir. Rita a préparé un cocktail de médicaments et l’a donné à Audrey et Arnaud. Les deux enfants se sont alors endormis. Rita en a profité pour les étouffer à l’aide d’un coussin.

Elle a ensuite pris le même cocktail de médicaments qu’elle a arrosé avec de l’alcool. La dame, infirmière de formation a sombré dans le coma et était vouée à une mort certaine si sont frère n’était pas venu à l’improviste rendre visite à la famille.

C’est lui qui a découvert le drame et a donné l’alerte. A l’heure d’écrire ces lignes, Rita était toujours dans le coma. Intubée, son pronostic vital est plus qu’engagé.

L’Etat belge pointé du doigt pour un manque cruel de places (05/03 – LLB – Paul Piret)
Ce drame relance le débat de la prise en charge et du manque criant de places pour personnes handicapées en Wallonie et à Bruxelles.
Les associations de parents dénoncent depuis des années le manque de solutions d’accueil et d’hébergement pour leurs enfants handicapés – devenus adultes – lourdement dépendants. Mais devant l’inertie des pouvoirs publics et la violation flagrante des droits fondamentaux des personnes concernées, la Ligue belge des droits de l’Homme et 15 associations belges représentatives, en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, ont haussé le ton. En leur nom, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme a engagé une action en justice contre l’Etat belge. Le 13 décembre 2011, elle déposait ainsi une réclamation contre l’Etat belge auprès du Comité européen des Droits sociaux (organe quasi judiciaire du Conseil de l’Europe) à Strasbourg pour violation des articles 13 à 16, ainsi que de l’article 30 de la Charte sociale européenne révisée.

Urgence
Les associations belges s’indignent de la non-assistance aux personnes les plus fragilisées de notre société et réclament des autorités belges qu’elles se conforment aux engagements pris dans le cadre des accords internationaux. En 2007 déjà, des associations représentatives des trois régions du pays s’associaient dans le « Manifeste du Citoyen » pour dénoncer le scandale du manque de places. Elles réclamaient avec urgence la mise en place de solutions adaptées : accueil de jour, hébergement, répit et services de qualité permettant une vie indépendante.
Depuis lors, à de nombreuses reprises, toutes les associations ont rappelé aux pouvoirs publics l’urgence de leurs besoins et les drames vécus au quotidien par les familles et l’angoisse de l’ »après-parents ». Mais en dépit de nombreuses promesses, très peu d’avancées ont été enregistrées, « signe évident d’une absence de priorité », pointaient les plaignants. Raison pour laquelle, devant l’inertie des pouvoirs publics et la violation flagrante des droits fondamentaux des personnes concernées, ils ont décidé d’agir en justice contre l’Etat belge. Pour défaut d’un accès effectif à l’assistance sociale et médicale, aux services sociaux, et au logement; pour violation du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie en communauté; pour défaut de protection sociale, juridique et économique et de protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Besoins croissants et moyens à adapter pour les handicapés

Pouvoir disposer du bon service, au bon moment, au bon endroit… (05/03 – LLB – Paul Piret)
On ne dit pas que c’est trop. On dit que c’est déjà beaucoup. L’Awiph est un gros morceau du budget wallon. La dotation de la Région (budget global : dans les sept milliards) à son agence en charge des personnes handicapées atteint 581 millions en 2013 ; elle est le seul organisme ou service administratif régional à bénéficier toujours d’une dotation indexée. Avec ses recettes propres, le budget de l’Awiph dépasse désormais les 650 millions/l’an.

Qu’en fait-elle ? En 2010, 41 000 personnes ont bénéficié de son intervention financière : 15 000 (on arrondit) en emploi et formation, 10 000 dans l’accueil et l’hébergement, 8 000 en aide individuelle à l’intégration et autant dans l’aide en milieu de vie. Elle pèse directement 400 agents ; 20 000 emplois sont concernés en additionnant les prises en charge (8 000 ETP dans l’hébergement, 7 000 dans les 57 entreprises de travail adapté, 4 000 interventions à l’emploi).

Or, les besoins vont croissant. Il y a la montée de la crise sociale. Il y a le vieillissement de la population : l’espérance de vie des personnes en situations de handicap s’est accrue de 35 % en moins de 20 ans ; ainsi, une personne trisomique sur deux atteint désormais l’âge de 50 ans. Et il y a l’augmentation de la population des personnes handicapées ; le nombre de demandeurs d’aide via l’Awiph a progressé d’un gros tiers en cinq ans : de 15 000 en 2005 à plus de 20 000 en 2010.

Résultat ? « De manière générale, des places manquent pour des personnes handicapées en Wallonie », convient la ministre wallonne Eliane Tillieux (PS). Si le drame de Liège ne s’explique pas par un problème de cet ordre, poursuit-elle, confirmant les propos du n° 1 de l’Awiph (ci-contre), il est « des inévitables difficultés, pour lesquelles il n’y a pas toujours de solution ». Pourtant, depuis la mi-2009, des moyens complémentaires ont été dégagés pour créer 500 prises en charge nouvelles

Alors ? Primo, « il faut diversifier les solutions », répond la ministre. Elle cite telles aides au maintien à domicile ou des expériences de sortie des institutions qui permettent à celles-ci d’accueillir de nouveaux cas plus lourds. C’est que, en résidence, une prise en charge pèse 50 000 euros par an et personne, contre quelque 15 000 en d’autres milieux.

Deux, dans la foulée, « être créatif ». Ainsi en va-t-il déjà de projets plus ou moins récents : transition école/vie active, « logement encadré novateur », occupations citoyennes, services de répit pour familles, accueil familial

Tertio, en ces temps budgétaires difficiles, « utiliser les moyens avec parcimonie ». Eliane Tillieux va ainsi demander au gouvernement wallon d’adopter le budget 2013 de l’Awiph à la condition que celle-ci, en interne, récupère des moyens pour créer des prises en charge supplémentaires. Il est question de 600 000 euros au moins, qui seraient à réserver à l’autisme d’une part, aux BAP d’autre part. BAP, ou « budgets d’assistance personnelle » : couvrant les frais d’assistants personnels aidant les handicapés dans leurs actes de la vie journalière et dans leur milieu de vie ordinaire.

Précisément, le groupe MR du Parlement wallon dépose à leur sujet une proposition de résolution visant à dégager une solution pour les handicapés en liste d’attente de BAP. Quelque 800 000 euros, calcule le parti, seraient nécessaires pour aider 80 personnes classées en 1re priorité ; et deux millions pour les 280 personnes classées dans les trois catégories.